
Jusqu'à l'océan
Traversée des Pyrénées basques jusqu'à l'océan atlantique
Publié le 24 avril 2022 :: Temps de lecture : 03:40 mn

Cela fait maintenant un mois et demi que je marche et me voilà arrivé dans la légendaire ville médiévale de Saint-Jean-Pied-de-Port. C’est en ce point que l’intégralité des voies jacquaires françaises se rejoint. Je m’autorise alors ma toute première bière depuis mon départ. Une sorte de récompense pour les 750km parcourus et les quelques 5000 observations naturalistes transmises aux bases de données départementales.
Je profite du vol des vautours à la Citadelle de Mendiguren tout en glissant quelques explications sur ces animaux aux enfants et leurs parents. Ces rapaces à l’envergure gigantesque (~250 cm.) les fascinent, me voyant les scruter aux jumelles, c’est tout naturellement qu’ils viennent me poser des questions. On ne peut rester indifférent devant de tels animaux, j’apprécie de voir les yeux écarquillés des enfants, émerveillés par leur observation. Cela me donne de l’espoir pour l’avenir, peut-être que dans le futur ce seront aussi des naturalistes. J’espère les avoirs inspirés avec mes jumelles. C’est quand même plus encourageant pour l’avenir de notre société que de croiser une personne avec du matériel d'observation plutôt qu’avec une remington.
C’est en fin d’après-midi que je reprends mon chemin en quête d’un alpage où poser ma tente. Cette fois-ci je quitte la voie de pèlerinage pour rejoindre le GR10, cette grande randonnée qui traverse les Pyrénées de la mer Méditerranée jusqu’à l’océan Atlantique. Dans ma quête d’observation d’une grande diversité d’espèces, il m’était impossible de passer le col de Roncevaux et dire au revoir aux Pyrénées si vite. Je devais en profiter et effectuer les 100 km en montagne pour rejoindre Hendaye.
Au petit matin, j’entame l’ascension du premier col accueilli par les vautours fauves, les Percnoptères d’Egypte, le Bruant fou et le Traquet motteux. Je trouve l’endroit si paradisiaque que j’y reste jusqu’au soir, ne parcourant que 7 km. Une journée bien ensoleillée, téléobjectif en main à ramper dans les alpages, pour tirer le portrait d’un Traquet mâle en plumage nuptial qui lui-même court après les petits invertébrés à travers les mottes de terre.
Durant cette semaine, j’aurais la chance de croiser le Gypaète barbu, un vautour mythique qui ne se nourrit que d’os. Les sucs gastriques de son estomac sont les plus puissants du règne animal, lui permettant de synthétiser les moelles osseuses en nutriments. Son nom provient de sa moustache lui proférant une tête très caractéristique. A côté de lui, les autres rapaces rencontrés comme la Bondrée apivore, Circaète-Jean-le-Blanc, Busard Saint-Martin et Milans royaux ne sont que des observations anecdotiques.
C’est en arrivant au village d’Ainhoa que je me rends compte que mon matelas en mousse s’est volatilisé ! Tristement, je me fais à l’idée de dormir à même le sol jusqu’à la prochaine grande ville. Pour le moment, je profite du village et sa rue rectiligne, façon western, jonchée de maisons typiquement basques
A sa sortie, je rencontre de nombreux amphibiens, la Salamandre tachetée sous-espèce fastuosa et la Grenouille rousse en milieux forestier. Mais aussi le Triton palmé, le Crapaud épineux ainsi que l’Alyte accoucheur, un petit crapaud flûtiste que l’on rencontre dans les milieux ouverts et rocailleux.
A mon arrivée à Hendaye, je suis interpellé par un homme assit en terrasse : « Oh pèregrino ! Viens boire un coup, je t’invite ! ». J’accepte volontiers et nous commençons à discuter. J’apprends que lui aussi est pèlerin, arrivant depuis la voie de Bordeaux. Au fil de la conversation il m’explique être un ex-commando de l’armée de terre ayant été déployé à plusieurs reprises dans les zones les plus dangereuses de la planète, République Démocratique du Congo, Irak, Afghanistan… Il effectue le pèlerinage pour guérir des traumatismes vécus durant la guerre. Son meilleur ami et frère d’arme a perdu la vie dans une fusillade au cours d’une opération en Afghanistan, cette longue marche lui était dédiée. Avant que je reprenne mon chemin, il me glisse quelques conseils avisés. Parmi eux, dormir sur les parvis des églises lorsqu’il pleut, cela m’a permis d’être au sec durant ma traversée espagnole qui a été très humide.
Chaque pèlerin pourra le confirmer, c’est aussi ça le chemin, des rencontres et des histoires surprenantes où chacun à une raison bien personnelle de rejoindre Santiago.