El Monumento Natural de Ojo Guareña

Le camino Olvidado : une voie pour les solitaires

Publié le 16 mai 2022 :: Temps de lecture : 06:40 mn

El Monumento Natural de Ojo Guareña

Me voilà arrivé à Bilbao depuis Hendaye et le moins que l’on puisse dire c’est que ma première semaine en Espagne a été difficile. Mes bivouacs dans ce nouveau pays sont marqués par des évènements aussi étonnants les uns que les autres.
Le 1er dans un bois aux abords de San Sebastian commençait pourtant bien. J’arrive en fin d’après-midi dans un bar extérieur qui rassemble de nombreux jeunes de mon âge. La pinte de bière coûte 3 fois moins chère que la veille et les joints d’herbe locale sont de mises. L’ambiance est géniale sur cette petite esplanade avec vue sur la ville et l’océan, je décide de rester sur place pour profiter et développer mes maigres bases en espagnol. Après un coucher de soleil splendide, je décide d’installer discrètement ma tente dans le bois derrière le bar. Mais à ce moment, le barman me surprend et m’ordonne de partir. Il est donc presque 22h30, je suis comme qui dirait, déchiré au milieu des bois et me voilà à devoir trouver un nouvel endroit plus où moins plat pour passer la nuit. C’est après une vingtaine de minutes de marche que j’arrive dans une communauté de témoins de Jehova qui semble accepter que je pose ma tente sur leur terrain. Je suis épuisé, je ne cherche pas à comprendre et je m’installe avant de m’endormir aussi sec. Le lendemain matin, j’ai plus de temps pour discuter avec eux, ils m’apprennent qu’ils habitent ici depuis 25 ans, qu’ils vendent du pain et font pousser tout un tas de légumes.

La seconde nuit a été marquée par un gros orage et sur le coup des 23h, un homme qui avait repéré ma tente vient me chercher m’informant que je risque fortement de finir sous l’eau si la pluie ne s’arrête pas très vite. Il me propose de le suivre jusqu’à son préau. Il me propose d’y dormir en m’installant deux palettes au sol. Il m’apporte aussi le petit tipi de son jeune fils. Surpris, je lui demande : « pourquoi tu me donnes ça ? » et il me répond : « je vois tous les soirs d’énormes araignées ici, c’est pour éviter qu’elles te montent sur le visage lorsque tu dors ». J’éclate de rire et accepte son étonnante proposition.

Nuit sous teppee

Le reste de la semaine a été ponctué de nuits plus ou moins agréables où j’ai eu à faire à une attaque de chiens au réveil alors que je dormais dans un abri de pierres, heureusement sans conséquence. Je me rappelle aussi d’une superbe soirée passée chez un franco-sénégalais vivant vers Munitibar où nous avons longuement discuté de sa ville natale que j’ai eu l’occasion de visiter en 2017 : Saint-Louis, au nord du Sénégal. Quel plaisir de rencontrer un français au milieu des terres agricoles basques et ne plus devoir se torturer le cerveau pour aligner deux phrases le temps d’une soirée.

Bref, l’idée n’est pas de développer cette partie du chemin dans cet article mais plutôt celle du Camino Olvidado qui débute à Bilbao. Un ami m’a spécialement rejoint pour l’occasion. Ce camino méconnu n’est jamais mentionné sur les cartes ou les différents itinéraires de pèlerinage et pourtant c’est l’un des plus anciens, celui-ci étant utilisé depuis le IXème siècle. Aujourd’hui, certes il est très mal balisé, il n’y a pas de moyen de se loger et les ravitaillements plus compliqués que sur les chemins classiques. Mais il garantit la solitude, la découverte de milieux sauvages et la traversée de petits villages montagnards abandonnés au cours des années 2010. Ah oui, il faut aussi aimer le porc, car sur ce chemin, les possibilités de ravitaillement sont essentiellement composées de charcuterie en tout genre (et d’eau de vie). Après deux jours de marche, nous rejoignons la petite ville de Balmaseda et sa superbe église.

En ce début juin, il fait très chaud, quasi une trentaine de degrés dès 9h du matin. Les paysages désertiques sont dépourvus d’ombre et la marche difficile. Heureusement, en fin de journée nous trouvons toujours un petit endroit sympathique pour planter la tente, souvent à proximité d'un cours d’eau où nous pouvons nous rafraîchir et chercher quelques serpents comme la couleuvre vipérine. Les lézards à deux raies jonchent les chemins, ces splendides squamates verts avec une gorge bleue trônent souvent sur un caillou bien exposé pour se réchauffer des nuits fraîches.


Lézard

 

Seule ombre au tableau, le pied de mon ami commence à le faire souffrir, des ampoules apparaissent et viennent à saigner. Une tendinite sur chacun de ses genoux est aussi un problème mais il serre les dents pour assumer plus d’une vingtaine de kilomètres journaliers, souvent en dehors de tout sentier. En effet, le balisage étant très laborieux voire absent à certains moments, nous devions suivre le passage d’animaux, dernière possibilité dans la hiérarchie des voies jacquaires.

L'envie de rejoindre une grotte secrète autrefois habitée par l’Homme de Neandertal nous motive. Mais une fois sur site, malgré de nombreuses heures de recherches, nous ne trouvons aucune entrée qui ne nécessite pas une descente en rappel. L’entrée principale accessible à pied reste secrète pour les besoins des recherches scientifiques. Nous aurions aimé discuter avec les chercheurs pour en apprendre plus sur l’histoire du lieu et le contenu de leur recherche.

Au bout du 100ème kilomètre en duo, nous arrivons dans un des lieux les plus beau de mon pèlerinage : l’Ermita de San Barnabé. Une ermitage troglodyte où nous y découvrons un puit d’ossements humains et différentes méthodes de tortures peintes sur les parois. Le clou du spectacle du Monumento Natural de Ojo Guareña que nous venions de traverser.

Ermita de San Barnabé Espagne

 

 

En fin de semaine nous arrivons au barrage del Ebro où nous installons le bivouac. De mon côté, je pars un moment découvrir l’avifaune du point d’eau, sans voir quoi que ce soit de remarquable. A mon retour à la tente, mon ami me dit que son pied le fait trop souffrir et qu’il pense rentrer pour se soigner. C’est vrai que son pied ne ressemble plus à rien mais j’essaie quand même de le convaincre de rester. Le lendemain matin, il me confirme sa décision et trouve une solution pour rentrer en France… Les premières heures après son départ ont été difficiles, après autant de journées seul dehors, cette semaine passée avec un visage familier a été une véritable bouffée d’oxygène. Et puis il faut dire qu’on s’est quand même bien marrés. Je poursuis la marche tout en regrettant de ne pas avoir réussi à le convaincre. La matinée suivante, j’apprends qu’il est hospitalisé à cause de son pied qui s’est infecté, qu’il est sous antibiotique et que le médecin lui préconise plusieurs jours d’immobilités. Finalement, il aura pris la bonne décision de rentrer.


 

Soit, me revoilà solitaire et je ferai avec. C’est exactement à ce moment que je décide d’ajuster mon chemin pour rejoindre le territoire d’un des animaux les plus emblématiques d’Europe mais aussi celui qui me fait le plus peur : l’Ours brun. Pour cela, je dois rejoindre l’extrême Ouest des Monts Cantabriques, il me faudra encore quelques semaines de marche, beaucoup de dénivelés et pas mal de nuits sur les parvis d’églises abandonnées pour l’atteindre.

 


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